
Un petit rappel :
D’une façon générale, on considère que la biomasse est constituée de tous les êtres vivants, animaux et végétaux, depuis l’algue unicellulaire jusqu’à l’Homo Sapiens, ou le roseau pensant que nous sommes.
Toutefois, pour cet article, nous ne considérerons que la biomasse végétale destinée à produire de l’énergie… autrement que sous forme alimentaire.
La biomasse énergie :
Cette biomasse peut être transformée en énergie utilisable sous trois formes :
- Solide : il s’agit essentiellement du bois sous toutes ses formes : coupes forestières, bois cultivé, sous- et coproduits de l’exploitation forestière et des industries de transformation, déchets et résidus. Elle peut être utilisée comme combustible dans une chaufferie bois telle que celle installée dans les serres communales de Nivelles (voir article « La filière Bois » dans l’onglet « Projets aboutis »).
- Liquide : il s’agit ici des biocarburants, que chaque automobiliste de chez nous, et d’Europe, utilise parfois sans le savoir, sous forme d’éthanol dans les moteurs à essence et d’ester méthylique dans le biodiesel. Cette filière a suscité et suscite encore des polémiques, car elle est en concurrence avec le rôle alimentaire de l’agriculture et est accusée de causer des dégâts dans les Pays du Sud : déforestation massive pour des plantations de palmiers à huile par exemple.
- Gazeuse : c’est la biométhanisation.
La biométhanisation :
- Définition : phénomène naturel, ou provoqué, de dégradation des matières organiques par des micro-organismes en l’absence d’oxygène (ou oxygène rare) et à T° +/- constante (40° C).
- Produits obtenus :
- Biogaz : essentiellement composé de méthaneCH4 et de gaz carbonique CO2. La quantité et la qualité du gaz produit dépend, entre autres paramètres, de celle des intrants : ainsi, à masse égale, la paille de céréales produit 10 fois plus que le lisier de bovins.
- Digestat : résidu de la décomposition des matières organiques. Il représente environ 80 à 90 % des matières entrantes, avec une excellente teneur en fertilisants tels que l’azote, la potasse, le phosphore, etc, en outre plus facilement assimilables par les plantes.
- Utilisations : la plus fréquente et la plus recommandée est la production combinée d’électricité pour le réseau et de chaleur, via la combustion du biogaz dans un moteur adapté et pourvu d’un système de cogénération pour récupérer et utiliser la chaleur de façon économique. D’autres utilisations sont possibles : injection, après traitement, dans le réseau de gaz naturel (France), transformation en biogaz liquide pour véhicules à moteurs adaptés.
- Les ressources : essentiellement, chez nous, les produits et sous-produits des exploitations agricoles, avec ou sans élevage. Mais aussi les sous-produits des industries agro-alimentaires, les déchets ménagers, les eaux usées des stations d’épuration (STEP), et les Centres d’Enfouissement Technique (CET), les « décharges », du moins celles contenant encore des déchets organiques.
- La technique : une unité de biométhanisation comprend les éléments suivants (voir schéma ci-dessus) :
- Un dispositif de stockage des matières entrantes
- Un ou plusieurs digesteurs : grandes cuves fermées, souvent par des bâches, et munies de mélangeurs
- Un dispositif de stockage du digestat
- Une unité de cogénération pour la combustion du gaz et sa transformation en électricité et chaleur.
- Et, bien sûr, les tuyaux et conduites, les raccordements et les dispositifs de contrôle, de mesures et de surveillance.
- Les rendements : après épuration, 85 à plus de 90% du méthane sont récupérés. Les rendements en énergie par la cogénération vont de 80 à 90%, dont, grosso modo, 1/3 en électricité et 2/3 en chaleur.
- Le point en Wallonie : il y avait, en 2017, 53 unités de biométhanisation, dont 29 en milieu agricole (16 d’entre elles sont de type micro, soit exploitant des puissances de moins de 50 kwél), 9 en agro-alimentaire, 9 en CET, 5 en STEP, et 1 valorisant des déchets ménagers de collectes. D’autres investissements étaient annoncés pour 2018, dont une unité à Thuin, dont CLEF est un des actionnaires.
- Et à Nivelles ? :
- une exploitation agricole de production de chicons a investi dans une unité de biométhanisation, d’une puissance de 100 kW, pour produire de l’électricité et de la chaleur, dont une grande partie est utilisée par l’imprimerie Rossel.
- La société Walvert, promoteur de l’unité de Thuin, a déposé, en 2017, un permis pour une unité de 600 kW dans le zoning sud.
Pour en savoir plus : www.valbiom.be
Quelques réflexions
- La filière biométhanisation se situe au confluent de 3 domaines d’activités : l’agriculture (et l’industrie agro-alimentaire), l’environnement et l’énergie. Pour celles et ceux qui la pratiquent, c’est une filière prenante, exigeante même, mais aussi enthousiasmante, voire enrichissante, au sens non financier du terme.
- Elle permet de valoriser, en énergies, des intrants considérés à tort comme des déchets, sinon des nuisances. Elle permet également des restituer à nos sols, fragilisés par l’agriculture intensive et le changement climatique (dégradation des teneurs en humus), des matières organiques de haute qualité agronomique.
- Pour un promoteur compétent et expérimenté, investir dans la biométhanisation n’est pas la phase la plus difficile. C’est l’exploitation, dans la durée, qui nécessite savoir-faire et présence quasi permanente.
- Ceci nous amène à quelques considérations sur notre agriculture. Nous avons la chance de disposer, en Wallonie, d’un tissu agricole essentiellement composé de petites et moyennes exploitations, et de peu ou pas d’entreprises « agricoles » de type industriel.
- Nos exploitants qui, malgré les difficultés, aiment leur métier, allient leur bon sens et leur expérience héritée de leurs parents, à des formations adaptées, qui leur permettent d’évoluer rapidement et d’intégrer les nouvelles technologies dans leurs savoir-faire. Ils ont l’intelligence de la terre !
- Malheureusement, comme leurs confrères des Pays du Sud, ils sont trop soumis aux contraintes et aléas des marchés mondiaux, comme l’ont montré les récentes crises du lait, de la viande, du sucre, etc. Beaucoup trop de nos agriculteurs doivent abandonner, ce qui, outre les problèmes sociaux et personnels, menace notre avenir, nous n’en sommes pas assez conscients. La dépendance alimentaire est beaucoup plus grave et critique que la dépendance énergétique.
- Du coup, c’est ici que se rejoignent nos préoccupations, mais aussi nos combats de défenseurs du climat et de coopérateurs. Promouvoir et encourager une agriculture de qualité, locale, respectueuse de l’environnement et des gens participe de la même philosophie de nos investissements renouvelables en énergie.
- Promouvoir les investissements de productions d’énergies renouvelables chez nos agriculteurs, là où c’est possible (éolien, bois énergie, biométhanisation, solaire…), c’est leur permettre de s’assurer de revenus complémentaires, appréciables et appréciés, et garantir la rentabilité et la pérennité de leurs exploitation. Et de garantir notre survie !